Exposition

Voulez-vous coucher avec nous ce soir? — Kyioichi Tsuzuki

Du 12 mar. au 18 mai 2003

« [...] *Les touristes étrangers qui visitent Tokyo sont submergés jusqu’à saturation par les images sexuelles. Partout, sur les enseignes, les panneaux qui prolifèrent dans l’encombrement de la rue, les prospectus laissés scotchés contre les vitres des cabines téléphoniques, ou le long des kilomètres de rayonnage de mangas dans l’éclairage aux néons des "convenient stores" (ces petits supermarchés ouverts 24h sur 24), le sexe est là! Le sexe est absolument partout. Même pour qui essaierait de s’évader à la campagne, ce sont alors, tout au long des autoroutes, d’interminables successions de "love hotels" qui ne laisseront pas de répit au regard. Cette overdose de sexe n’atteint ceux qui parlent d’art, d’architecture ou de design. Ils ont toujours détourné la tête.

En revanche, combien de Japonais pourraient s’offrir une maison dessinée par Tadao Ando? Très peu, évidemment. Et aussi peu nombreux sont ceux qui n’ont pas, une fois au moins, mis les pieds dans un "love hotel"! Tous ces gens qui jamais n’iront de toute leur vie voir une exposition d’art contemporain, font la queue, tous les jours, devant les "imekura" (ces image-clubs qui sont des établissements où l’on pratique des jeux de rôles sexuels). Et ces "imekura" ne sont-ils pas, d’une certaine façon, le summum de l’installation? Oui, au Japon la rue est en chaleur et elle est pleine de ces choses auxquelles on ne comprend rien mais qui nous intriguent*.

« *Le plus extraordinaire dans cette histoire, c’est que les créateurs de « love hotels », ceux des « imekura » ou ceux des « hihokan » (musées du sexe) ne pensent pas du tout, pas une seule seconde, qu’ils ont créé de l’art. Ce à quoi ils aspirent, c’est à parfaire un dispositif qui satisfasse les désirs et les fantasmes de leurs clients comme d’eux-mêmes. Ils foncent allègrement sur les deux roues de leurs désirs, désir sexuel d’un côté et désir d’argent de l’autre. Pour quelle raison, aujourd’hui, leur « pure » créativité envahit-elle nos yeux et nos cœurs plus profondément que bien des « œuvres » d’artistes qui ornent les musées? Et pourquoi ces choses qui ne sont pas de l’art nous paraissent-elles tellement artistiques?

Les vrais héros de cette exposition, ce sont eux, les créateurs anonymes de la rue. Génies des bords de la route, ignorés et méprisés depuis toujours par les grands médias de la culture. Toutes mes photos et mes livres sont des supports (bien trop modestes) pour enregistrer et transmettre leurs créations. Alors, dans ces photos, regardez surtout ce qui est photographié et non pas comment cela a été photographié* […] .» Kyioichi Tsuzuki (Traduction de Anna Takino et Yüki Takahata)

Sylvie Boulanger, directrice, est commissaire de l’exposition.

Kyioichi Tsuzuki
Voulez-vous coucher avec nous ce soir?
Ensemble de 2 sérigraphies en couleurs
58 X 150 cm
Série de 43 exemplaires
Imprimé par Sérigraphie Carpentier, Toulouse
Édité par Cneai Chatou, 2003