Hollywoodland — Elke Krystufek
Du 03 janv. au 09 avr 2000
Elke Krystufek montre au Cneai des gravures sur papier et sur tissu, encadrées, et sur fond de papier peint, des peintures, des collages, des images numériques extraites du CDrom ainsi que des livres d’artiste.
La mixité des médiums utilisés est imposée par le mode de pratique de l’artiste: spontané, économique et écologique. Les techniques et les médiums sont utilisés simplement, sans renfort de technicité et au grès des possibilités. Les images, une première fois créées deviennent très vite une matière pour une œuvre ultérieure entraînant au grès des nécessités une modification de son format et de son mode de représentation, et ainsi de suite, jusqu’à créer une sorte de mémoire active qui exploiterait sans cesse ses images pour produire un «presque présent».
Le travail d’Elke Krystufek donne à penser l’anonymat et l’uniformisation des être humains, imposés par la société industrielle et médiatique. Ce que nous considérons être de l’intimité et que nous croyons avoir préservé comme la sphère de notre propre vie privée, affective et sexuelle est devenu ce qu’il y a de plus répandu et de plus publique. Dans ce contexte, la représentation engendre une part de plus en plus grande de morbidité. Nous expérimentons chaque jour, dans nos activités les plus quotidiennes le même sentiment : un manque de subjectivité. En ce sens le «je» devient actuellement subversif, il est d’une violence absolue par rapport aux règles imposées d’uniformisation. Il s’agit donc d’une bataille frontale, dire «je», exprimer directement sa personne et donc ne plus être dans la représentation, dans le spectacle, être entièrement dans la vie. «Un humain, *disait Christine Angot, ça ne devrait pas pouvoir se représenter, ça devrait juste être là, tellement c’est déjà énorme*». Il n’y pas de représentation, d’interprétation et donc pas d’écran entre l’œuvre d’Elke Krystufek et le public. La représentation, c’est la mort du sujet; c’est la production d’un autre sujet, non vivant, qu’on appelle parfois œuvre d’art.
Elke Krystufek dit d’elle-même qu’elle est l’œuvre d’art. Elle se donne. Son écriture a un statut profondément subjectif, centré, pris au centre d’elle-même et cette forme de communication est difficilement supportable pour nous, qui nous offre un miroir sans écran ni faux fuyant pour l’appréhension de nos propres limites à penser consciemment notre individualité. Notre complicité quotidienne avec les ordres sociaux de normalisation apparaît en négatif, la douleur de l’autocensure se fait sentir par contraste.
Ainsi, le travail d’Elke Krystufek, et c’est ce qui l’éloigne définitivement de l’«aktionismus», pourrait être qualifié d’ «écosophique» dans la mesure où il consiste en une philosophie du subjectif qui aurait pour but de restaurer le sentiment d’exister. «Replanter du subjectif» d’une manière systématique, concentrée et radicale, sans aucun pathos, ironie, moquerie ou provocation. «Revendiquer sa liberté à la différence, dira Véronique Bacchetta, sans plus aucun contrôle ni complaisance. […] Cette exploitation de la sphère privée au travers du dessin comme journal intime, avec toute sa franchise et son originalité, révèle cette volonté de faire émerger des aspirations normalement refoulées et non dites […] qui nous rappelle ce précepte féministe «Ce qui est personnel est politique».
Concernant la forme du message, l’artiste a choisi de se donner en exemple. Elke Krystufek est donc un «modèle», l’exemplarité étant sans doute le mode de diffusion la plus respectueuse de la liberté de l’interlocuteur. Ses autoportraits, emboîtés, superposés, juxtaposés d’un médium à l’autre sont démultipliés sans contrôle, ni censure, sans sélection jusqu’à la caricature de la starification; starification toute intime qui s’approche au plus près de la vérité du personnage. Ce qui justifie l’expression d’Élisabeth Lebovici dans le journal Libération: «L’artiste autrichienne a l’habitude de « tout » montrer dans son œuvre : son corps mais aussi l’intérieur de sa tête».
L’exposition hollywoodland a été conçue dans le cadre d’un accord avec le Centre genevois de gravure contemporaine qui a accueilli une première exposition de l’artiste en septembre 1999. Le livre In the Arms of Luck, co-publié, est un journal intime et troublant, composé d’autoportraits largement annotés par l’artiste.
Sylvie Boulanger, directrice, est commissaire de l’exposition.
In the Arms of Luck
Livre d’artiste offset noir et blanc et couleurs reproduisant 56 dessins au crayon noir et de couleur accompagnés de notes en anglais, avec couverture illustrée et cartonnée
56 page, 21,5 x 29 cm
Édité à 800 exemplaires
Graphisme réalisé par l’artiste
Dirigé par Véronique Bacchetta, Centre d’éditon contemporaine Genève
Publié par Cneai Chatou et Centre d’édition contemporaine Genève, 1999
Hollywoodland
CDrom en version Macintosh
Édité à 1000 exemplaires
Graphisme réalisé par l’artiste
Dirigé par Sylvie Boulanger, Cneai
Publié par Cneai Chatou, l’École régionale des Beaux-arts de Caen-La-Mer et avec la participation de Gandy Gallery à Prague, 2000
Promenade accompagnée visuelle et sonore au pays des stars, composée de photos de vacances, d’assemblages d’images variées et de sons domestiques.
L’exposition est également accompagnée par une édition de 6 gravures sur tissu et sur papier, co-éditée par le Cneai et l’Atelier Leblanc, Paris.