Résidence

FEUILLETON – PRÉBENDE #2 – ANTOINE DUFEU

Du 01 avr au 31 mai 2021 Online

Antoine Dufeu est auteur associé au CNEAI = depuis novembre 2020. Dans la rubrique FEUILLETON de la newsletter du Cneai, il vous invite à lire des textes en cours d'écriture et des textes inédits. Prébende est le titre d’un livre en cours d’écriture repris ici par opportunité.

Avec  Antoine Dufeu

A. La majeure

Un extrait de Aventures (en cours d’écriture).

Au moment de passer la frontière des États-Unis d’Amérique, pays qui dépense depuis des dizaines d’années des centaines de milliards de dollars dans des conflits dont le théâtre est des plus éloignés de son territoire, tu diras que tu « viens rendre visite à ton ami Jonah » pour y passer quelques vacances à moins qu’aucun motif ne te soit demandé pour justifier de ton séjour là-bas. Les vacances ne sont jamais suffisamment longues, à commencer par celles des pouvoirs ; les tiennes qui – nous le savons pertinemment – n’en seront qu’implicitement dureront officiellement une huitaine de jours, du moins pour les autorités diffuses du pays dont tu seras l’hôte. Lorsque le garde-frontières t’adressera une série de questions, tu ne trembleras pas ; tu t’abstiendras de tout commentaire inutile ou inadéquat et te contenteras de répondre aussi paisiblement, précisément et simplement que possible. Tu ne songeras pas à ce que tu sais du boom carcéral affectant les Etats-Unis, pays qui s’est ouvert plus que tout autre à la privatisation de la justice et de l’emprisonnement et dans lequel un citoyen sur trente-et-un est soit incarcéré dans une prison fédérale ou dans une prison d’État soit détenu dans une prison locale car en attente de jugement voire en liberté conditionnelle. Tu ne songeras pas non plus aux milliers d’employés du secteur avicole privés de pauses et ainsi obligés de pisser et chier dans des couches durant leurs heures de travail. En ces instants-là aussi, bien que situé à distance respectable de toi et, quant à moi, de l’autre côté de la frontière, et même si je serai, sensiblement en retard par rapport au planning que je me serais fixé ce jour-là dès mon réveil, en train de m’exprimer certes en anglais mais également un petit peu en espagnol avec un interlocuteur afin de négocier le montant de la course de taxi qui m’aura amené à proximité immédiate de ton point d’arrivée, je serai ton bodyguard. Ainsi nos destins seront-ils entremêlés et nos devenirs intimement liés.

« Je t’attendrai à « JFK », t’avais-je écrit quelques jours plus tôt dans un e-mail. Le vol de l’avion par lequel tu es passé en quelques sept heures d’un continent à l’autre – de l’Europe à l’Amérique en l’occurrence du Nord – s’il semble s’être bien déroulé a enregistré un léger retard à l’atterrissage dont j’ignore pour le moment tout de la ou des raisons auxquels il peut être attribué. Je l’estime plutôt bienvenu puisque j’ai moi-même failli être en retard pour t’accueillir et ainsi ne pas être en mesure d’honorer le rendez-vous que je t’avais pourtant fixé. Je surveille les sorties en même temps que mon téléphone puis t’aperçois. Je t’adresse un clin d’œil à travers la foule éparse et tu me retournes un sourire sans te démêler d’un air que je qualifierais volontiers de déterminé si je ne te savais rendu relativement fébrile par ta première venue aux États-Unis depuis une quinzaine d’années. Voyageant léger, ce dont – fais-moi confiance – je ne tarderai pas à te féliciter, il t’est inutile de poser le moindre bagage au sol pour nous permettre de nous embrasser sans attendre. Je t’offre consécutivement une petite bouteille de plastique « PET ». L’absorption de l’eau fraîche qu’elle contient devrait te permettre de te désaltérer et de te rafraîchir après, contasté-je, ce long déplacement. Nous sortons de l’aérogare : j’ai l’intuition qu’une fois prochaine, dans quelques semaines tout au plus, je t’accueillerai à nouveau, ici-même, à la différence près que je disposerai d’une voiture de location et que je nous conduirai en dehors de New-York, dans quelque village huppé de la vallée de l’Hudson. Pour l’heure, c’est en taxi que je suggère de rejoindre l’appartement que j’habite et dans lequel tu passeras une unique nuit avant que nous ne partions ensemble le lendemain pour Atlanta. 

B. Le mineur

  • Un extrait de Les fions (inédit, 2019)

Sur le site de ChâteauGAI

qui est une chaîne de châteaux, 

de demeures et de manoirs,

en France et à l’étranger,

qui accueille des séminaires

et des journées de travail 

d’entreprises, 

on peut s’enorgueillir 

d’afficher « un taux de satisfaction 

et de fidélité de sa clientèle

proche de 100 % » ;

on se vante de proposer 

une « expérience magique »

tout au long de l’année. 

Au même endroit

Marie et Romain sont présentés

comme un couple

que l’on imagine avoir des enfants.

Seulement, à la ville,

Marie et Romain ne sont pas

mari et femme

et c’est seulement pour les besoins de la cause

qu’ils semblent former un duo

complémentaire et rassurant, 

bienveillant et heureux,

sain d’esprit et en bonne santé physique. 

  • Cinq poèmes de Autocudi replica (inédit, 2020)

_06082020

En Formule 1

les voitures accidentées 

sont dégagées

par des sortes 

de tracteurs.

_14082020.2

Cactus:

son nom

était

tellement

charmant. 

_15082020.2

Toto Wolff au nom de Mercedes F1

a renouvelé pour un an

le contrat de Valtteri Bottas.

Il déclare à cette occasion:

« Valtteri est un type simple et travailleur qui entretient de bonnes relations avec toute l’équipe […] »

Christie Malry quant à lui est

« un homme simple », 

du moins en langue française. 

_16082020.3

Thèse:

un jour

j’ai gagné

les 500 Miles

d’Indianapolis.

Développement:

regardons

le replay.

_20082020.8

Autocudi n’est pas une ville 

en Italie. 

Autocudi n’est pas une île 

de la mer Tyrrhénienne. 

Autocudi est une île éolienne.